actualités

Palestine et laGeste

Depuis le 7 octobre 2023, en moyenne 111 Palestiniens meurent chaque jour. Le nombre de blessés, de mutilés et de prisonniers est bien supérieur à ce chiffre. Pendant ce temps, le Liban est également devenu le théâtre d’un conflit armé, et Israël fait tout son possible pour entraîner les États-Unis dans une extension de la guerre jusqu'en Iran. Chaque phrase sur ce conflit trahit des points de vue, tout ce qui est dit en dit autant sur ce qui n’est pas dit. Cela vaut évidemment aussi pour nous. Nous n'utilisons pas l'adjectif standard 'terroriste' pour qualifier le Hamas. Si même l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNRWA) est menacée d'être qualifiée de 'terroriste' par Israël, alors ce mot a perdu toute signification.

Nous n’avons jamais caché que notre adhésion au BDS : l’appel au Boycott, au Désinvestissement et aux Sanctions contre l’État d’Israël. Cela ne date pas du 7 octobre 2023. les ballets C de la B ont soutenu le boycott contre Israël dès les premiers jours de cet appel lancé par la société civile palestinienne à l'ensemble du monde, vers 2005. Pour en savoir plus sur cet appel, nous renvoyons vers le site bdsmovement.net.
Pour laGeste, il ne s'agit pas seulement d'un héritage des prédécesseurs. Les deux directeurs artistiques, Alain Platel de les ballets C de la B et Hildegard De Vuyst de laGeste, élaborent des productions et collaborent avec des artistes palestiniens depuis des années. Cela ne les a jamais empêchés de collaborer également avec des artistes israéliens et/ou juifs. Le BDS rend cela possible. En effet, le BDS cible uniquement l'État d'Israël et ses institutions.

Le conflit est bien antérieur à l'attaque du Hamas. Ceux qui le souhaitent peuvent lire The Hundred Years' War on Palestine de Rashid Khalidi. Vous ne trouverez pas d'explication plus concise sur le contexte du 7 octobre. Notre connaissance ne vient pas des livres – bien que les travaux de l’historien israélien Ilan Pappé, le projet Common Archive du réalisateur israélien Eyal Sivan ou l’Atlas of the Conflict de l’architecte israélienne Malkit Shoshan aident à fournir un cadre.
Notre connaissance vient du travail de terrain. Alain Platel (de 2000 à 2008) et Hildegard De Vuyst (depuis 2004 jusqu’à aujourd’hui) ont voyagé plusieurs fois dans les Territoires Occupés pour rencontrer et travailler avec de jeunes artistes. Ce travail a pris diverses formes : ateliers de courte ou longue durée, échanges, auditions, (co)productions, tournées, et un festival comme Under Construction (avec le soutien de la Communauté flamande – où est donc passé le temps ?). La Fondation palestinienne A.M. Qattan a été pendant tout ce temps un partenaire fidèle.

Face à la réalité sur le terrain, Platel et De Vuyst n’ont pu que soutenir le BDS. C'est d'ailleurs ce que tous les partenaires palestiniens ont demandé, tant les institutions que les individus. Cela a parfois un prix. En Allemagne, tout est mis en œuvre pour qualifier toute critique d’Israël d’antisémitisme et donc pour l’interdire. Cela signifierait que nous ne pourrions plus tourner en Allemagne.
Nous sommes prêts à payer ce prix, car c’est la seule manière pour nous de nous soustraire à la complicité de ce génocide. Étant donné que nos gouvernements ne sont pas en mesure de prendre des sanctions adéquates, comme la suspension de l’accord d’association avec l’Europe, Israël continue sans conséquence ses bombardements, refuse de laisser entrer l’aide alimentaire ou médicale, tue des journalistes, expulse les Casques bleus de l’ONU, bannit l’UNRWA, etc.
En tant que citoyens, nous en sommes complices. À moins que nous appliquions les mesures que nous pouvons prendre en tant qu’individus ou institutions : ne pas acheter de produits israéliens, ne pas jouer en Israël, ne plus traiter ce pays comme un "État normal", l'exclure de l'UEFA, du Concours Eurovision de la chanson, etc. En résumé, appliquer toute la panoplie des stratégies qui ont mis à genoux l'Afrique du Sud de l'apartheid.

Nous sommes convaincus qu'Israël devra un jour rendre des comptes devant des institutions internationales telles que la Cour Pénale Internationale (CPI) ou la Cour Internationale de Justice (CIJ). Même si l'ordre mondial s'effondrait, les générations futures présenteront tout de même la facture. La question sera : qu'avez-vous fait pour empêcher ce génocide ? C'est pourquoi nous ne pouvons pas rester silencieux.

Entre-temps, nous continuons à faire ce que nous faisons le mieux: mettre en place des projets passionnants, y compris avec des artistes palestiniens. Nous préparons actuellement une nouvelle version de Badke (2013) sous le titre Badke(remix). Cette version est entre les mains d'Amir Sabra et Ata Khatab. Ata a été crucial lors de la création originale. Il incarnait à lui seul la mémoire de la danse folklorique palestinienne telle qu'elle a été (re)construite pendant les années de lutte des années 70. Ata a dû quitter la tournée tôt à cause d'un ménisque déchiré. Amir fait partie de la deuxième génération de danseurs de Badke, la production a eu une longue vie. Il décrit Badke comme une "machine-à-produire-des-danseurs".

Une carrière de danseur est devenue une perspective possible pour les danseurs palestiniens. De plus, la production a rassemblé des Palestiniens de modes de vie très différents : des camps de réfugiés, de Jérusalem, d'Israël, de Cisjordanie. En ces temps déchirés, Badke(remix) est, pour eux deux, une question de survie.

En complément : deux textes du passé
Alain Platel sur son atelier en 2007.
Hildegard De Vuyst sur ses expériences entre 2004 et 2009 : la Palestine en 11 instantanés.

publié le: 07.11.24