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CATASTROPHE

Il semble que dans les régions où la vie et la survie ne vont pas de soi, où la menace d'une violence extrême ou d'une catastrophe est physiquement palpable à chaque seconde de la journée... c'est là que le désir d'art se fait souvent plus grand qu'ailleurs. C'est du moins ce que j'ai vu et entendu à chaque fois que je me suis rendu dans les territoires occupés. "Parce que c'est la seule chose qui puisse nourrir notre espoir", m'a-t-on expliqué.

Est-ce la raison pour laquelle, aussi ici, la menace d'une catastrophe majeure se fait plus que jamais ressentir, qu'à la question "qu'aimeriez-vous voir sur une scène aujourd'hui ?", les danseurs d'
Ombra ont répondu : la beauté... le réconfort... l’étreinte... ?
Est-ce aussi pour cela que je vois soudain l'introduction de la langue des signes dans
Ombra comme une métaphore de notre surdité face aux hurlements déchirants et pénétrants qui résonnent ailleurs dans le monde ?
Est-ce pour cela que nous ne pouvons représenter une catastrophe que sous la forme d’un gigantesque tableau Rubensien dans lequel les corps se déplacent au ralenti ?

D'ailleurs, lorsque l'on navigue sur les médias sociaux, ne voit-on pas le nouveau tube de Beyoncé juste après les images de bodycam d'une arrestation fatale, la recette d'un repas végétalien, une farce au travail et des membres d'une famille récupérant des morceaux du corps de leurs enfants dans leur maison détruite par une bombe ? Notre vision ne se trouble-t-elle pas ?

En revanche, une phrase simple mais limpide comme CEASEFIRE NOW, à laquelle personne ne peut s'opposer, est devenue pour beaucoup une arme plus dangereuse que les tonnes de bombes disséminées ici et là dans des zones densément peuplées du monde entier. Les personnes qui scandent ces deux mots sont soupçonnées, raillées, mises à l'écart, perdent leur emploi ou, au pire, sont arrêtées, emprisonnées et torturées ou tuées. J'écris ceci en solidarité avec elles.

Alain Platel

publié le: 26.03.24